posté le 17-09-2011 à 18:04:31
Chapitre 8
Guillaume est assis en face de moi, et boit un cappuccino. Je me sens bien.
Il est au courant de mon accident, et me demande des nouvelles de mes
blessures. Mes côtes sont encore douloureuses, mais mes ecchymoses ont
totalement disparues.
Lui m'explique à l'écrit la raison de son mutisme.
Il y a deux ans, après qu'une voiture m'ai renversé, du sang est remonté de
mes poumons perforés et a endommagé définitivement mes cordes vocales.
Je le regarde écrire, avec grâce et délicatesse. Sa main bouge avec tant de
facilité. Ses yeux clairs fixés sur la feuille, m'éblouissent. Ses muscles saillants
se contractent et se décontractent à la vitesse de la lumière. Un courant d'air.
Sur sa peau, les poils se dressent pendant un court instant. Je frissonne de
plaisir. Ses cheveux m'attirent, j'ai envie de les toucher. J'ai envie de toucher
sa peau, aussi. J'ai envie de le prendre dans mes bras.
Il passe sa main devant mes yeux, comme pour me réveiller. Il me sourit,
d'un sourire timide mais affectif. Il détourne le regard, boit une gorgée de
sa boisson, doucement, longuement.
Puis il me montre ses dessins. Tous superbes. Des masses splendides de
cheveux foncés, deux yeux au regard de braise, des lèvres carmin,
la courbe parfaite d'un corps. Ses dessins semblent tous être fait à partir
d'un modèle. Chaque partie du corps est magnifiquement représentée, comme
sublimée par chaque coup de crayon. Je ne dis rien, mais je me jure de lui
dire un jour.
Nos boissons terminées, Guillaume tient à me raccompagner jusqu'à
l'arrêt de bus. Il dépose un baiser brûlant sur ma joue et part en courant,
prenant la direction de sa voiture.
Notre discussion m'a bouleversée. Lui et moi, tous deux victimes d'un
conducteur fou. Lui muet, moi pas encore remise.
Lui qui reste impassible face à son handicap. Moi qui me pose des questions.
Car je me pose des questions, maintenant. Que je ne pouvais pas me poser
avant. Que je n'osais pas me poser avant.
Mais ces questions me font mal. Elles me font penser à cet accident dont je n'ai
aucun souvenir. Et ça me fait peur.
Comme si on m'avait arraché un morceau de vie.
Je veux me souvenir. Parce que ne pas me souvenir me fait mal, et qu'une
personne qui souffre sans même essayer de réagir est faible.
Moi je ne suis pas faible. Je n'ai jamais pleuré. Enfin, je n'ai pas pleuré depuis
quelques années. De longues années.
Et puis, de toute façon, les Princesses ne pleurent pas.
Moi je veux être une Princesse.